National Academies Press: OpenBook
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Suggested Citation:"2 Recherche sur le harclement sexuel." National Academies of Sciences, Engineering, and Medicine. 2020. Harcèlement sexuel des femmes: Climat, culture et conséquences dans les filières universitaires de sciences, d'ingénierie et de médecine. Washington, DC: The National Academies Press. doi: 10.17226/26081.
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2 Recherche sur le harcèlement sexuel Ce chapitre passe en revue les informations recueillies au cours de décennies de recherche sur la santé sexuelle. Il fournit des définitions de termes clés qui seront utilisés tout au long du rapport, établissant un cadre commun à partir de la littérature existante et des lois permettant de traiter ces problématiques. En examinant ce que la recherche sur le harcèlement sexuel a appris au fil du temps, le chapitre examine, également, les méthodes de recherche pour étudier le harcèlement sexuel et les méthodes appropriées pour mener cette recherche de manière fiable. Le chapitre fournit des informations sur la prévalence du harcèlement sexuel et sur les caractéristiques communes de la manière dont le harcèlement sexuel est perpétré et vécu dans les différents secteurs d’activité, professions et classes sociales. Il se conclut sur les caractéristiques communes des environnements où le harcèlement sexuel est le plus susceptible de se pro- duire. DÉFINITIONS DES MOTS-CLÉS Les lignes directrices de la Commission pour l’égalité des chances dans l’emploi définissent le harcèlement sexuel comme suit (USEEOC s.d.a.) : Toutes avances sexuelles importunes, les demandes de faveurs sexuelles et tout autre comportement verbal ou physique à connotation sexuelle constituent des faits de harcèlement sexuel lorsque ce comportement nuit explicitement, ou

60 HARCÈLEMENT SEXUEL DES FEMMES implicitement, à la carrière d’une personne, interfère considérablement avec les performances professionnelles d’une personne, ou crée à son encontre un environnement de travail intimidant, hostile ou offensant. Le harcèlement sexuel a été reconnu pour la première fois lors d’affaires au cours desquelles des femmes ont perdu leur emploi parce qu’elles avaient rejeté des propositions sexuelles de leur employeur (par exemple, Barnes v. Costle 19771). Cette forme de harcèlement sexuel a été définie comme un harcèlement sexuel en contrepartie (du latin « une chose contre un autre », qui signifie que l’obten- tion d’un emploi ou l’accès à des études est, dans une certaine mesure, condi- tionné à des faveurs sexuelle). Ce comportement coercitif a été jugé comme une violation du Titre VII de la loi sur les droits civils de 1964. Récemment, le droit du travail a reconnu que des agissements sexistes généralisés des collègues de travail peut créer des conditions d’emploi intolérables – ce qui est devenu ce qu’on appelle un environnement de travail hostile – et constitue également une discrimination illégale (Farley 1978, MacKinnon 1979, Williams v. Saxbe 19762). Ces deux formes fondamentales de harcèlement sexuel, le harcèlement en contrepartie et le harcèlement en milieu hostile, ont été résumées dans des lignes directrices publiées par la Commission pour l’égalité des chances dans l’emploi en 1980 (USEEOC 1980). Des environnements de travail ou d’éducation hostiles peuvent être créés par des comportements tels que le fait de s’adresser aux femmes en des termes gros- siers, ou qui visent à les objectifier, d’afficher des images pornographiques au bureau, de tenir des propos humiliants ou désobligeants à l’égard des femmes, comme de raconter des blagues sexistes. Le harcèlement dans un environne- ment hostile englobe également les avances sexuelles non désirées, telles que le fait d’exposer ses parties génitales, de caresser et d’embrasser quelqu’un, et de faire pression sur une personne pour qu’elle ait un rendez-vous, même si cela n’implique aucune contrepartie (Bundy contre Jackson 19813, Meritor Savings 1  Barnes v. Costle, 561 F 2d 983, 987 (D.C. Cir 1977). 2  Williams v. Saxbe, 413 F. Supp. 654 D.D.C. (1976). 3  Bundy v. Jackson, 641 F.2d 934 (D.C. Cir. 1981).

2. Recherche sur le harcèlement sexuel 61 Bank contre Vinson 19864). La distinction importante entre le harcèlement en contrepartie et l’environ- nement hostile est que le premier implique généralement une relation indivi- duelle dans laquelle l’auteur a le contrôle des récompenses ou des punitions liées à l’emploi ou à l’éducation de la victime. A contrario, le second peut im- pliquer de nombreux auteurs et de nombreuses victimes. Dans la forme de har- cèlement sexuel en milieu hostile, les collègues affichent souvent un compor- tement sexiste hostile envers plusieurs cibles sur une longue période (Holland et Cortina 2016). Pour que le comportement hostile lié au sexe, ou au genre, soit considéré comme du harcèlement sexuel illégal, il doit être omniprésent ou suffisamment grave pour être jugé comme ayant eu un impact négatif sur le travail ou les études de l’individu. Par conséquent, les cas isolés ou uniques de ce type de comportement ne sont généralement qualifiés que lorsqu’ils sont ju- gés suffisamment graves. Les juristes et les juges continuent d’utiliser les deux sous-types de définitions de la contrepartie et de l’environnement hostile pour définir le harcèlement sexuel. Le harcèlement sexuel illégal s’inscrit dans une catégorie plus complète, celle des comportements discriminatoires. La discrimination illégale peut se produire sur la base de toute catégorie légalement protégée : origine raciale, ethnique, croyances religieuses, âge, sexe, identité de genre, situation familiale, nationalité d’origine, origines, orientation sexuelle, informations génétiques, handicap physique ou mental, statut d’ancien combattant, condamnation anté- rieure pour un crime, identité ou expression de genre, ou appartenance à d’autres catégories protégées par les lois fédérales ou étatiques. En ce qui concerne le harcèlement sexuel, qui constitue l’objet du présent rapport, il s’agit du harcè- lement sexiste, un terme conçu pour démontrer que les actes préjudiciables ou le harcèlement sexuel illégal ne doit pas nécessairement porter sur l’activité sexuelle (USEEOC n.d.b.). Le harcèlement sexuel constitue une discrimination parce qu’il est préjudiciable et qu’il est fondé sur le sexe – il n’est pas néces- sairement motivé par un désir sexuel et n’implique pas nécessairement une activité sexuelle. La doctrine juridique et la recherche en sciences sociales reconnaissent toutes 4  Meritor Savings Bank v. Vinson, 477 U.S. 57 (1986).

62 HARCÈLEMENT SEXUEL DES FEMMES deux que le genre est une notion qui englobe à la fois le sexe biologique et les stéréotypes et attentes liés au genre, tels que le fait d’être hétérosexuel et d’en- dosser comme il se doit les rôles traditionnellement liés à son sexe. Le harcèle- ment sexuel sous la forme de harcèlement sexiste peut reposer sur la violation de stéréotypes culturels liés au genre. Par exemple, un homme peut être victime de harcèlement sexiste parce qu’il est une « mauviette », ou parce qu’il est fa- cilement gêné par la pornographie (ce qui viole les stéréotypes selon lesquels les hommes devraient être forts, hétérosexuels et avenants). Une femme, quant à elle, peut être harcelée pour avoir accepté un poste habituellement occupé par un homme, ou dans un domaine traditionnellement masculin. Dans une telle situation, le harcèlement sexiste peut consister en des actions visant à saboter les outils, les machines ou l’équipement de la femme, ou à lui dire qu’elle n’est pas assez intelligente pour travailler dans le domaine scientifique. Les sections suivantes de ce rapport traitent plus en détail du harcèlement sexuel. Les psychologues, qui étudient les comportements liés au genre, ont déve- loppé des termes précis pour décrire le harcèlement sexuel afin de mesurer et de rendre compte plus précisément des comportements qui constituent le harcè- lement sexuel, et décrire comment les victimes vivent ces comportements. Un système de classification en trois parties divise le harcèlement sexuel en catégo- ries distinctes mais apparentées : coercition sexuelle, attentions sexuelles non désirées et harcèlement sexiste (voir le graphique 2-1, Fitzgerald et al. 19885; Fitzgerald, Gelfand et Drasgow 1995, Gelfand, Fitzgerald et Drasgow 1995). La coercition sexuelle implique des avances sexuelles et conditionne les conditions d’emploi (ou d’éducation, pour les étudiant·e·s) par la coopération sexuelle. Les attentions sexuelles non désirées impliquent également des avances sexuelles, mais elles ne permettent pas d’obtenir des récompenses profession- nelles ni n’impliquent des menaces qui contraignent la cible du harcèlement à 5  données empiriques sur le harcèlement sexuel remontent à plus de 30 ans, et d’im- Les portantes études ont été menées au cours de cette première décennie. Les membres de cette commission ont réfléchi soigneusement à l’opportunité de citer des articles « plus anciens » (par exemple, des années 1980). Nous avons choisi de conserver ces références lorsque, selon notre avis d’expert, leurs méthodes étaient rigoureuses et que leurs conclu- sions s’appliqueraient encore dans le monde actuel.

2. Recherche sur le harcèlement sexuel 63 respecter ces conditions. Dans cette catégorie figurent les manifestations d’in- térêt romantique ou sexuel, malvenues, non réciproques et offensantes pour la victime. Il s’agit par exemple d’attouchements, d’étreintes, de caresses, non désirés et des demandes persistantes de rendez-vous ou de faveurs sexuelles malgré le découragement, pouvant aller jusqu’à l’agression (Cortina, Koss et Cook 2018, Fitzgerald, Gelfand et Drasgow 1995, Fitzgerald, Swan et Magley 1997). ts discrimi temen nat por oir om es ments discrim C nts discrim orte inat oir o rtem e ina omp es Ctoi mp re ents discrimi o rtem na po toi C s te Co om re x is e er C s e Co s c it is t nt er ex ion me sex s c it Harcèle nt ion meuelle HARCÈLEMENT sex Harcèle SEXUEL uelle HARCÈLEMENT SEXUEL en At s ée tio sir t n s se dé x u elle s n o n en At s ée tio sir t n s se dé x u elle s n o n Classifications juridiques : Harcèlement sexuel en contrepartie Classifications juridiques : Harcèlement dans un environnement hostile sexuel en contrepartie Harcèlement Harcèlement dans un environnement hostile GRAPHIQUE 2-1 Le lien entre les comportements discriminatoires, la discrimination sur la base du genre/ du sexe, le harcèlement sexuel, le harcèlement sexiste, le harcèlement sexuel en contrepartie et le harcèlement dans un environnement hostile. Si la coercition sexuelle est, par définition, une contrepartie au harcèlement sexuel, des attentions sexuelles non désirées peuvent parfois être considérées comme une contrepartie au harcèlement sexuel si la tolérance d’un tel comportement devient une condition d’emploi (Fitzgerald, Gelfand et Drasgow 1995)

64 HARCÈLEMENT SEXUEL DES FEMMES Le harcèlement sexiste est de loin le type de harcèlement sexuel le plus courant. Il désigne « un large éventail de comportements verbaux, et non ver- baux, qui ne visent pas la coopération sexuelle mais qui véhiculent des atti- tudes insultantes, hostiles et dégradantes » à l’égard des membres d’un sexe (Fitzgerald, Gelfand et Drasgow 1995, 430). Le harcèlement sexiste se définit, en outre, comme deux types : l’hostilité sexiste et le harcèlement brutal. Voici quelques exemples de la forme d’hostilité sexiste, qui fait partie du harcèlement sexiste à l’égard des femmes : des blagues ou des commentaires rabaissants pour les femmes, des commentaires selon lesquels les femmes n’ont pas leur place à des postes de direction, ou ne sont pas assez intelligentes pour réussir dans une carrière scientifique, et enfin, le sabotage des femmes. La forme de harcèlement brutal du harcèlement sexiste est définie comme l’utilisation de termes sexuellement grossiers qui dénigrent les personnes en fonction de leur sexe (par exemple, l’utilisation d’insultes telles que « salop* » pour désigner une collègue féminine ou «  mauviette  » pour désigner un collègue masculin (Fitzgerald, Gelfand et Drasgow 1995). Les femmes et les hommes peuvent être – et sont effectivement – victimes des trois formes de harcèlement sexuel, mais certains sous-groupes sont confrontés à des taux plus élevés que d’autres. À titre d’exemple, les femmes lesbiennes ou bisexuelles (Cortina et al. 1998, Konik et Cortina 2008), les femmes qui adhèrent à des croyances égalitaires sur les sexes (Dall’Ara et Maass 1999, Siebler, Sabelus et Bohner 2008) et les femmes qui sont stéréotypées masculines dans leur comportement, leur appa- rence, ou leur personnalité (Berdahl 2007b, Leskinen, Rabelo et Cortina 2015), sont davantage ciblées par le harcèlement sexuel que les autres femmes. De même, les hommes homosexuels, transsexuels, petits, ou perçus d’une manière ou d’une autre comme « pas assez masculins », sont davantage harcelés que les autres hommes (Berdahl 2007b, Fitzgerald et Cortina 2017, Rabelo et Cortina 2014). Il est intéressant de noter que la motivation qui sous-tend la coercition sexuelle et les attentions sexuelles non désirées semble différente de celle qui sous-tend le harcèlement sexuel. Alors que les deux premières catégories sug- gèrent des avances sexuelles (le but recherché étant d’exploiter sexuellement des femmes), la troisième catégorie exprime l’hostilité envers les femmes (les buts recherchés étant d’insulter, d’humilier ou d’exclure l’individu) (Holland

2. Recherche sur le harcèlement sexuel 65 et Cortina 2016). En d’autres termes, la coercition sexuelle et les attentions sexuelles non désirées peuvent être considérées comme des « incitations », tan- dis que le harcèlement sexuel est, à toutes fins utiles, une manière de « rabais- ser » (Fitzgerald, Gelfand et Drasgow 1995, Leskinen, Cortina et Kabat 2011). Toutefois, il est important de noter que ces comportements ne sont pas néces- sairement liés à l’attirance pour les femmes. Le plus souvent, ils sont plutôt motivés par le désir de dévaloriser les femmes ou de punir ceux qui enfreignent les normes en matière de genre (Berdahl 2007b, Cortina et Berdahl 2008). Certain·e·s chercheur·e·s définissent plus précisément les insultes verbales associées au harcèlement sexuel, ainsi que les affrontements non verbaux qui l’accompagnent, comme des micro-agressions. Ce terme fait référence aux « affronts quotidiens brefs et banals, verbaux, comportementaux ou environ- nementaux – intentionnels ou non – qui communiquent des messages hostiles, désobligeants ou négatifs » (Sue et al. 2007, 271) à l’égard de, ou au sujet de, groupes historiquement stigmatisés. Ce terme peut également être décomposé en trois catégories : les micro-agressions, les micro-insultes et les micro-inva- lidations (Sue et al. 2007). Il est à craindre que la micro-agression reste une construction mal définie, dont les limites sont floues. En outre, l’utilisation du terme «  micro  » est trompeuse, car elle implique que toutes ces expériences sont des actes mineurs ou imperceptibles. Pourtant, certaines micro-agressions, comme le fait de désigner des personnes par des noms offensants, sont évidem- ment offensantes et peuvent être profondément préjudiciables. De même, le terme agression est également trompeur, car la plupart des expert·e·s réservent ce terme aux comportements qui impliquent une intention de nuire (Lilienfeld 2017). Pour ces raisons, notre commission a choisi de se concentrer sur l’incivi- lité, un terme de plus en plus utilisé dans la littérature sur l’agression au travail. L’incivilité fait référence à un «  comportement déviant de faible intensité avec l’intention ambiguë de nuire à la victime, en enfreignant les normes en matière de respect mutuel sur le lieu de travail. Les comportements incivils sont caractérisés par leur impolitesse et leur manque de courtoisie, et témoignent d’un manque de considération pour les autres » (Andersson et Pearson 1999, 457). L’étude réalisée par Lim et Cortina en 2005 sur deux populations de femmes dans des organisations du secteur public (Ns = 833 et 1 425) a révélé que le harcèlement sexuel se déroule souvent sur fond d’incivilité, c’est-à-dire dans un environnement d’irrespect généralisé.

66 HARCÈLEMENT SEXUEL DES FEMMES Les auteurs affirment que, d’après leurs conclusions, le même auteur « peut être à l’origine de multiples formes de mauvais traitements – à la fois sexualisés et généralisés – visant à avilir les femmes et à renforcer ou accroître leur propre avantage social » (492). Lim et Cortina soulignent que si le harcèlement sexuel est toléré dans une organisation, ou s’il n’est pas considéré comme un compor- tement déviant, les incidents d’incivilité générale devraient être encore moins susceptibles d’attirer l’attention de la direction. Sur la base de ces conclusions, on pourrait affirmer que l’incivilité généralisée devrait être un signal d’alarme pour les dirigeant·e·s, ou les cadres, dans les environnements de travail et d’en- seignement, car, lorsque le harcèlement sexuel se produit, c’est pratiquement toujours dans des environnements présentant un taux élevé de comportements incivils (Cortina et al. 2002, Lim et Cortina 2005). Notez que le harcèlement sexuel est souvent ambiant, ce qui signifie qu’il « ne vise pas clairement un individu ou un groupe d’individus » (Parker 2008, 947) dans l’environnement de travail ou d’éducation ou un comportement qui va au-delà de la cible directe du harcèlement (Glomb et al. 1997). Le harcèle- ment sexuel ambiant est déterminé par une « fréquence générale des comporte- ments de harcèlement sexuel subis par d’autres personnes » et peut inclure tous les types de comportements de harcèlement sexuel (309). Par exemple, il peut s’agir d’images à caractère pornographique affichées dans un espace commun ou de propos abusifs à connotation sexuelle utilisés en public, dans le milieu professionnel ou scolaire (Parker 2008). Les attentions sexuelles ambiantes non désirées et la coercition sexuelle font référence à des cas observés de compor- tements de nature sexuelle inopportuns et répétés, visant un collègue de travail. En d’autres termes, il n’est pas nécessaire d’être personnellement visé pour res- sentir les effets du harcèlement sexuel (un peu comme un effet boule de neige). Malgré des définitions et des termes affinés pour décrire le harcèlement sexuel et la discrimination sexuelle, il reste difficile de documenter le degré de gravité de ces comportements dans les environnements de travail et d’enseigne- ment. Cette situation s’explique en partie par le fait que les personnes qui su- bissent ces comportements les qualifient rarement comme tels. De nombreuses études ont démontré que plus de la moitié des femmes actives déclarent avoir été victimes de harcèlement sexuel au travail, mais que moins de 20% d’entre elles le qualifient de « harcèlement sexuel » (Ellis, Barak et Pinto 1991, Ilies et al. 2003, Magley, Hulin et al. 1999, Magley et Shupe 2005).

2. Recherche sur le harcèlement sexuel 67 Compte tenu de ces sources, le rapport utilise la définition suivante du har- cèlement sexuel : Le harcèlement sexuel (une forme de discrimination) se compose de trois catégories de comportement : (1) le harcèlement sexuel (comportements verbaux et non verbaux qui véhiculent un sentiment d’hostilité, visent à objectifier, exclure ou rabaisser des membres d’un sexe), (2) les attentions sexuelles non désirées (avances sexuelles verbales ou physiques non désirées, qui peuvent aller jusqu’à l’agression) et (3) la coercition sexuelle (lorsque des faveurs accordées sur le plan professionnel ou scolaire sont conditionnées par l’activité sexuelle). Le harcèlement peut être soit direct (visant un individu en particulier), soit ambiant (un niveau généralisé de harcèlement sexuel dans un environnement donné). L’encadré 2-1 donne un aperçu rapide des termes clés introduits dans ce chapitre. ENCADRÉ 2-1 Résumé des mots-clés Comportement discriminatoire : terme général qui inclut les traitements biaisés basés sur des caractéristiques telles que l’origine raciale, la couleur, l’ap- partenance ethnique, l’âge, le sexe, etc.a Ce terme inclut les différentes formes de harcèlement sexuel, ainsi que d’autres formes de discrimination sexuelle/ de genre. Discrimination sur la base du sexe ou du genre : terme général qui en- globe la discrimination et le harcèlement sur la base du genre ou du sexe. Outre les comportements constitutifs de harcèlement sexuel, on peut citer, comme exemple, la discrimination à l’embauche ou les inégalités salariales. Harcèlement sexuel : type de discrimination sexuelle/de genre qui englobe le harcèlement sexuel, les attentions sexuelles non désirées et la coercition sexuelle.

68 HARCÈLEMENT SEXUEL DES FEMMES Harcèlement sexiste : comportements verbaux, et non verbaux, qui véhi- culent un sentiment d’hostilité, visent à exclure ou à rabaisser les membres d’un sexe. Il peut s’agir, par exemple, de l’utilisation de termes tels que « salop* », de blagues telles que « Ne fais pas ta mauviette » et de commentaires qui dénigrent les femmes en tant que groupe d’individus, en termes de genre. Cette forme de harcèlement peut parfois recouvrir l’hostilité sexiste ou le harcèlement brutal. Attentions sexuelles non désirées : avances sexuelles non désirées, qui peuvent inclure des agressions. Il peut s’agir, par exemple, de demandes répé- tées de rendez-vous et de tentatives persistantes visant à obtenir des faveurs sexuelles, malgré le rejet. Coercition sexuelle : forme de harcèlement sexuel caractérisée par le fait que des faveurs accordées sur le plan professionnel ou scolaire soient condition- nées par l’activité sexuelle (par exemple, par le recours à des pots-de-vin ou à des menaces). Il peut s’agir, par exemple, de promesses de meilleures notes ou de lettres de recommandation en échange de faveurs sexuelles. Harcèlement ambiant : niveau général de harcèlement sexuel dans un contexte particulier, défini par la fréquence de comportements constitutifs de har- cèlement, de tous types et niveaux de gravité. Cette forme de harcèlement induit le fait que les personnes qui s’en retrouvent affectées ne sont pas directement vi- sées. Il peut s’agir, par exemple, de témoins qui voient d’autres étudiants ou des collègues de travail être ciblés de manière répétée par des attentions sexuelles non désirées. Harcèlement dans un environnement hostile : terme juridique désignant le harcèlement sexuel « suffisamment grave ou généralisé » pour modifier les conditions d’emploi, altérer les performances professionnelles d’un individu ou entraver sa capacité à s’instruire. Le harcèlement sexuel et les attentions sexuelles non désirées peuvent tous deux contribuer à créer un environnement hostile. Harcèlement sexuel en contrepartie : terme juridique similaire à la coerci- tion sexuelle. Il s’agit d’une forme de harcèlement sexuel caractérisé par le fait que des faveurs accordées sur le plan professionnel, ou scolaire, soient condi- tionnées par l’activité sexuelle (par exemple, par le recours à des pots-de-vin ou à des menaces). Il peut s’agir, par exemple, de promesses de meilleures notes

2. Recherche sur le harcèlement sexuel 69 ou de lettres de recommandation en échange de faveurs sexuelles. Incivilité : comportement grossier et insensible qui témoigne d’un manque de considération envers autrui (pas nécessairement lié au sexe ou au genre). a.  lois fédérales interdisent toute discrimination fondée sur l’origine raciale, ethnique, la Les  religion, le sexe, l’origine, l’âge, le handicap, la grossesse et le statut d’ancien combattant. De nombreuses juridictions locales offrent des protections complémentaires sur la base de l’identité sexuelle, de l’orientation sexuelle, du poids, de l’apparence et d’autres caractéris- tiques. MÉTHODES DE RECHERCHE UTILISÉES POUR ÉTUDIER LE HARCÈLEMENT SEXUEL L’objectif de prodiguer des recommandations permettant de prévenir le harcèlement sexuel et d’atténuer ses effets dans les domaines de la science, l’ingénierie et la médecine universitaires nécessite de mener des recherches fondées sur des preuves. Les différentes études ont des forces et des faiblesses, et il convient de les garder à l’esprit lors de l’examen de leurs conclusions, en particulier si les dirigeant·e·s des institutions universitaires, les législateurs et législatrices, et les chercheur·e·s espèrent concevoir des interventions et des politiques pertinentes et efficaces. Les deux méthodes d’étude les plus utilisées sont les enquêtes et les expériences menées en laboratoire. Des résultats signi- ficatifs ont également été obtenus au moyen d’entretiens approfondis, d’études de cas, d’analyses socio-juridiques et d’autres méthodes. Lors de la conduite ou de l’examen de recherches portant sur le harcèlement sexuel, il est essentiel que les méthodes utilisées pour mener les recherches correspondent aux objec- tifs de la recherche. Il est essentiel de noter que la prévalence du harcèlement sexuel dans une population est mieux estimée en utilisant des enquêtes repré- sentatives et non pas en se fondant sur le nombre invariablement plus faible de rapports officiels de harcèlement sexuel déposés auprès d’une organisation (voir la discussion au chapitre 4 sur le très faible nombre de femmes qui si- gnalent officiellement les faits). Les sections suivantes traitent de ces diverses

70 HARCÈLEMENT SEXUEL DES FEMMES méthodes de recherche et du type d’informations qu’elles fournissent. Méthodes d’enquête Les enquêtes, contenant des instruments dûment validés peuvent être utiles pour estimer la prévalence (la fréquence des expériences ou des comportements de harcèlement sexuel parmi les personnes d’une population donnée) et déter- miner les corrélations, les antécédents, les résultats et les facteurs qui atténuent ou amplifient les résultats du harcèlement sexuel. Par exemple, ils peuvent évaluer les liens entre le harcèlement et les différents aspects du bien-être des victimes, la compréhension qu’ont les victimes des ressources dont elles dis- posent et les stratégies qu’elles mobilisent pour y faire face. Il peut être utile de fonder une enquête sur une population définie, accessible à partir d’une liste exhaustive ou d’une base de sondage. Parfois aussi, l’utilisation d’instruments et de sources de données multiples peut s’avérer très efficace. Bien que les enquêtes se soient souvent concentrées sur les victimes du harcèlement sexuel (par exemple, Fitzgerald, Drasgow et Magley 1999), certains travaux ont égale- ment été réalisés en examinant les déclarations des auteurs (par exemple, Dek- ker et Barling 1998) et des témoins (par exemple, Hitlan, Schneider et Walsh 2006, Richman-Hirsch et Glomb 2002, Miner-Rubino et Cortina 2004, 2007). Mener des enquêtes sur le harcèlement sexuel demeure un défi, mais, heu- reusement, les chercheur·e·s ont relevé nombre de ces défis. Ceux qui sou- haitent mener une enquête sur le harcèlement sexuel doivent suivre les mé- thodes scientifiques décrites ci-dessous et les directives en matière d’éthique et de sécurité pour ce type de recherche (OMS 2001). Une mauvaise conduite des enquêtes sur le harcèlement sexuel n’est pas éthique, car le fait de répondre à l’enquête pourrait inutilement traumatiser à nouveau la personne interrogée. En outre, les données inexactes résultant d’une telle enquête pourraient être utilisées pour remettre en question l’importance et la légitimité d’un sujet aussi sensible et important. (OMS 2001). Le principal défi lorsque l’on mène une enquête sur le harcèlement sexuel est qu’il est fort probable que de nombreuses femmes ne qualifient pas les ex- périences vécues comme du harcèlement sexuel. En outre, les femmes qui su- bissent du harcèlement sexiste sont plus de sept fois moins susceptibles de qua- lifier leur expérience de « harcèlement sexuel », que les femmes qui subissent des attentions sexuelles non désirées ou de la coercition sexuelle (Holland et

2. Recherche sur le harcèlement sexuel 71 Cortina 2013). Ce fait illustre ce que d’autres recherches ont montré : tant dans le milieu juridique que pour le grand public, les conceptions dominantes du har- cèlement sexuel mettent trop l’accent sur deux formes de harcèlement sexuel : la coercition sexuelle et les attentions sexuelles non désirées, tout en minimi- sant la troisième forme (et la plus répandue) de harcèlement sexuel (voir le schéma 2-2, Leskinen, Cortina et Kabat 2011, Schultz 1998). Que les femmes qualifient elles-mêmes leurs expériences de harcèlement sexuel ou non, elles rapportent toutes des résultats psychologiques et professionnels négatifs simi- laires (Magley, Hulin et al. 1999, Woodzicka et LaFrance 2005). Ce problème de définition a été identifié pour la première fois lors de re- cherches sur le viol et la violence sexuelle. Les enquêtes menées par Koss (1992) ont révélé que lorsqu’on demandait simplement aux personnes inter- rogées : « Avez-vous été violée ? », les estimations du nombre de personnes violées dans la population universitaire étaient très faibles, alors que, lorsqu’on leur demandait si elles avaient subi de manière répétée des comportements spécifiques qui répondaient aux définitions légales du viol, les estimations du nombre de personnes violées étaient beaucoup plus élevées. Des études ulté- rieures sur le harcèlement sexuel ont donné des résultats similaires (Ilies et al. 2003, Schneider, Pryor et Fitzgerald 2011). Fitzgerald et ses collègues (1988) ont établi le questionnaire sur les expériences sexuelles (SEQ) pour normaliser les questions sur des comportements caractéristiques du harcèlement sexuel plutôt que de poser des questions sur le « harcèlement sexuel » en général. Grâce aux nombreuses preuves psychométriques qui l’étayent, le SEQ est devenu la référence en matière d’évaluation des expériences de harcèlement sexuel dans le cadre professionnel et scolaire (Cortina et Berdahl 2008). Malheureusement, certains étudiant·e·s qui ont récemment tenté de mesurer la prévalence du har- cèlement sexuel n’ont pas suivi cette bonne pratique et sont donc susceptibles d’enregistrer de faibles taux de prévalence, de ne pas disposer de données sur les personnes qui ont été victimes de harcèlement sexuel et, par conséquent, de ne pas être fiables pour évaluer la prévalence du harcèlement sexuel. Un autre obstacle auquel se heurtent les enquêtes sur le harcèlement sexuel est que les femmes qui ont été victimes de harcèlement sexuel peuvent hésiter à répondre à une enquête sur le sujet ou à admettre avoir été ciblée par ou victime de harcèlement sexuel, dans la mesure où le harcèlement sexuel peut être stig- matisant, humiliant et traumatisant (Greco, O’Boyle et Walter 2015, Bumiller 1987, 1992). Afin de les encourager à s’auto-évaluer, il est primordial que les

72 HARCÈLEMENT SEXUEL DES FEMMES réponses aux enquêtes soient confidentielles – voire anonymes – et de rassurer les participantes à l’enquête sur ce point. En outre, pour éviter tout biais de non-réponse (c’est-à-dire le refus sélectif de certains segments de la population de participer), les expert·e·s en matière de harcèlement sexuel n’utilisent pas le terme de harcèlement sexuel ou d’inconduite sexuelle dans le titre de l’enquête et orientent plutôt leurs questions sur le harcèlement sexuel dans le cadre d’une enquête plus large qui porte sur des préoccupations sociales telles que les ques- tions de genre, la civilité ou la culture. Dans une méta-analyse de l’incidence du harcèlement sexuel aux États-Unis, Ilies et ses collègues (2003) ont constaté que le fait de demander directement aux répondantes si elles avaient été vic- times de harcèlement sexuel (par opposition à l’utilisation de questionnaires qui listent des comportements constitutifs de faits de harcèlement sexuel) a conduit à des estimations nettement plus faibles de l’incidence du harcèlement sexuel. Lorsque l’on détermine des estimations de la prévalence, il faut veil- ler à minimiser les biais de non-réponse dans l’échantillon de l’enquête. Les biais de non-réponse comprennent les attitudes et autres caractéristiques qui dissuadent les gens de participer à l’enquête (Krosnick et al. 2015). Une ré- ticence à répondre à des questions sur des expériences de harcèlement sexuel peut représenter un biais de non-réponse. Bien que de faibles taux de réponse ne soient pas synonymes de faibles niveaux de biais de non-réponse, des taux de réponse généralement faibles doivent être interprétés avec prudence et li- miteront les conclusions qui peuvent être tirées en raison de la représentati- vité de l’échantillon de l’enquête (Dillman, Smyth et Christian 2008, Ilies et al. 2003). Tout comme il est important de faire preuve de prudence lorsqu’on déduit des estimations de prévalence à partir d’échantillons ayant des taux de réponse plus faibles, les chercheur·e·s et les responsables d’institutions univer- sitaires doivent également faire preuve de discernement en déduisant de telles estimations à partir d’échantillons non probabilistes (voir Yeager, Krosnick et Javitz [2009] au sujet des problèmes liés aux enquêtes en ligne à participation volontaire).6 6  échantillons non probabilistes sont des échantillons qui ne sont pas représentatifs de Les l’ensemble de la population et sont souvent utilisés lorsqu’il n’est pas possible de spéci- fier une population définie ou lorsqu’il n’est pas nécessaire de disposer d’un ensemble de données représentatif pour atteindre les objectifs de la recherche. Ces échantillons peuvent inclure des échantillons de commodité et des échantillons en boule de neige.

2. Recherche sur le harcèlement sexuel 73 COERCITION SEXUELLE promettre des récompenses menacer la cible de consé- professionnelles en échange quences professionnelles si les de faveurs sexuelles faveurs sexuelles demandées ne sont pas satisfaites ATTENTIONS SEXUELLES NON DÉSIRÉES viol agression sexuelle avances et attouchements non désirées CONSCIENCE DU PUBLIC HARCÈLEMENT SEXISTE pression constante pour obtenir des faveurs sexuelles images de nus affiché au travail discussions à connotation sexuelle non désirées actes sexuellement humiliants pression constante afin d’obtenir un rendez-vous insultes sexuelle taquineries sexuelles ex. « pour un bon moment...», affensentes appeler quelqu’un une put* insultes sexistes ex. : « les femmes n’ont rien remarques offensives à faire en sciences » sur le corps gestes obscènes sabotage de l’équipement insultes des femmes ex. : « salop* », « put* », « péta**e » insultes de genre ex. « chatt* » insultes pour les mères actives ex. : « tu ne peux pas travailler si tu as des enfants en bas âge » GRAPHIQUE 2-2 Conscience du public au sujet du harcèlement sexuel et comportements caractéristiques du harcèlement sexuel.

74 HARCÈLEMENT SEXUEL DES FEMMES Un défi particulièrement important pour les enquêtes sur le harcèlement sexuel est leur capacité à recueillir des informations sur les membres non ma- joritaires d’un lieu de travail ou d’un campus donné. Souvent, les femmes de couleur et les femmes appartenant à des minorités sexuelles ou de genre ont été sous-représentées parmi les personnes interrogées, ce qui se traduit par des taux de prévalence peu fiables pour ces populations spécifiques. Des recherches récentes commencent à s’attaquer à ce problème en examinant le harcèlement sexuel sous l’angle de l’intersectionnalité et en s’efforçant de sur-échantillon- ner ces populations sous-représentées lors de la réalisation d’enquêtes. L’échantillonnage de commodité (dans lequel les participant·e·s sont recru- té·e·s via les réseaux sociaux ou dans des groupes spécialisés en fonction d’un groupe cible spécifique) et l’échantillonnage en boule de neige (qui consiste à recruter des sujets supplémentaires en demandant à des participant·e·s s’il·elle·s connaissent des personnes dans leurs réseaux qui pourraient également être intéressées par le sujet) sont des moyens utiles de recruter des populations dif- ficiles à atteindre ou sous-représentées (par exemple, les lesbiennes qui n’ont pas fait leur « coming-out » au travail, les groupes minoritaires pour lesquels aucune liste n’est disponible) (Meyer et Wilson 2009). Ces études peuvent ap- porter un éclairage critique, même si les échantillons ne peuvent être considérés comme représentatifs d’une population particulière. Un bon exemple de cette approche est l’étude récente sur les expériences des femmes de couleur dans les domaines de l’astronomie et de la science planétaire, identifiées par le biais d’un échantillonnage de commodité. Les chercheur·e·s ont découvert que les femmes de couleur étaient plus susceptibles de déclarer avoir entendu des re- marques sexistes de la part de leurs supérieur·e·s ou de leurs pairs sur le lieu de travail que les femmes blanches, les hommes blancs ou les hommes de couleur. Les femmes de couleur étaient également plus susceptibles de se sentir en dan- ger au travail en raison de leur sexe (Clancy et al. 2017). Cette étude montre comment les données d’enquête peuvent être utilisées pour tester les relations entre des variables importantes, telles que l’origine raciale, le sexe, le harcèle- ment sexuel et le sentiment de sécurité, ce qui permet de tirer des conclusions sur les personnes les plus susceptibles d’être visées par le harcèlement sexuel, et avec quels effets. Lors de la détermination et de la comparaison des taux de prévalence, il est important de distinguer les taux de prévalence pour les femmes de ceux des hommes et de ne pas se fier à une prévalence combinée pour les deux sexes. Le

2. Recherche sur le harcèlement sexuel 75 recours à des taux combinés se traduira par un taux plus faible, car les femmes sont beaucoup plus susceptibles que les hommes d’être victimes de harcèle- ment sexuel (USMSPB 1995, Magley, Waldo et al. 1999, Ilies et al. 2003, Ka- bat-Farr et Cortina 2014). Une autre caractéristique méthodologique, à laquelle il convient d’être par- ticulièrement attentif lors de l’estimation et de la comparaison des taux de pré- valence, est la période sur laquelle les répondantes sont interrogées. Dans cer- taines études, aucune limite de temps n’est donnée, tandis que d’autres peuvent se limiter aux 12 ou 24 derniers mois. Plus la période est longue, plus les taux risquent d’être faussés et de ne pas évaluer l’incidence actuelle. Des périodes plus longues peuvent entraîner des taux d’incidence plus élevés, car plus de temps signifie que plus de femmes sont susceptibles d’avoir vécu un tel com- portement. Cependant, après des périodes suffisamment longues, la mémoire se détériore, ne laissant derrière elle que les expériences de harcèlement sexuel qui ont laissé un souvenir impérissable, et laissant de côté les commentaires sexistes quotidiens ou le harcèlement ambiant. De plus, des périodes plus lon- gues peuvent également introduire le risque que l’incident se soit produit dans un environnement passé et non dans l’environnement actuel qui fait l’objet de l’enquête. Enfin, un obstacle majeur à l’obtention de chiffres précis sur la prévalence du harcèlement sexuel dans l’ensemble du milieu universitaire et entre les do- maines, ou les lieux de travail, est le nombre d’enquêtes disponibles qui n’uti- lisent pas toujours une méthode normalisée pour mesurer ou définir le harcèle- ment sexuel. Malheureusement, lorsque les institutions décident de l’enquête ou des questions à utiliser, elles semblent souvent ne pas être au courant des bonnes pratiques en matière de recherche sur le harcèlement sexuel, ou ne pas avoir consulté un·e chercheur·e expert·e dans ce domaine, car des méthodolo- gies et des approches de mesure différentes ont été utilisées (Wood et al. 2017). En conséquence, les enquêtes ne produisent pas seulement des chiffres de pré- valence peu fiables, mais présentent également le risque de «  comparer des pommes avec des oranges » lors de l’analyse des données entre les institutions. La principale préoccupation lors de la comparaison des taux de prévalence est la différence de définition du harcèlement sexuel dans l’enquête et lors de l’ana- lyse des réponses. Une méta-analyse des enquêtes sur le harcèlement sexuel montre que le taux de prévalence est de 24% lorsqu’on demande aux femmes si elles ont été victimes de « harcèlement sexuel », contre 58% lorsqu’on leur

76 HARCÈLEMENT SEXUEL DES FEMMES demande si elles ont subi des comportements de harcèlement qui répondent à la définition du harcèlement sexuel (et sont ensuite classés comme tels dans l’analyse) (Ilies et al. 2003). En d’autres termes, la méthode d’interrogation directe donne une estimation de la prévalence basée sur la perception de la personne interrogée, tandis que la méthode des expériences comportementales estime la mesure dans laquelle les incidents potentiellement harcelants se pro- duisent dans une organisation. Cette recherche démontre, également, que ces différences ne sont pas dues à des différences d’environnement de travail ou de méthode d’échantillonnage (Ilies et al. 2003). Pour tenter de présenter les informations les plus précises sur la prévalence du harcèlement sexuel, le rapport fait référence à des enquêtes qui suivent les bonnes pratiques aussi bien dans le cadre de la recherche que de l’enquête sur le harcèlement sexuel et qui identifient clairement les différences en termes de période et de définitions. Méthodes expérimentales Les informations sur le harcèlement sexuel ont également été recueillies par le biais d’expériences en laboratoire, au cours desquelles les chercheur·e·s examinent l’existence de comportements constitutifs de faits de harcèlement sexuel en manipulant des variables dans des conditions contrôlées. L’avantage de cette approche est que les chercheur·e·s peuvent observer directement les comportements de harcèlement sexuel. Toutefois, cette approche ne fournit pas d’informations sur la prévalence du harcèlement sexuel. Certains des comportements qui ont été directement observés lors d’expé- riences sont les suivants : • des attouchements sexuels non sollicités par une personne exerçant un rôle de supériorité (Pryor, LaVite et Stoller 1993) ; • des comportements de dominance non verbale (Murphy, Driscoll et Kelly 1999) ; • des envois de contenus à caractère pornographique non sollicités par voie électronique (Dall’Ara et Maass 1999 ; Maass et al. 2003) ; • des envois de blagues sexistes par voie électronique (Galdi, Maass, et Cadinu 2014); • des avances sexuelles par voie électronique (Diehl, Rees, et Bohner 2012)) ;

2. Recherche sur le harcèlement sexuel 77 • des questions sexistes posées lors d’un entretien (Hitlan et al. 2009) ; • l’adoption d’un comportement à connotation sexuelle, tel que le fait de fixer le corps d’une femme, lors d’un entretien (Rudman et Borgida 1995). Les expériences en laboratoire peuvent aider à découvrir les facteurs situa- tionnels qui encouragent, ou découragent, les auteurs potentiels à adopter ces comportements. Par exemple, les expériences montrent que le harcèlement sexuel est moins susceptible de se produire si ces comportements ne sont pas acceptés par les autorités (Pryor, LaVite et Stoller 1993). Une autre expérience a montré que les hommes exposés à des représentations sexistes des femmes à la télévision étaient plus susceptibles d’envoyer des blagues sexistes aux femmes au cours d’une interaction en ligne (Galdi, Maass et Cadinu 2014). Les expériences en laboratoire peuvent également donner un aperçu de la manière dont les femmes pourraient réagir dans une situation de harcèlement sexuel. Par exemple, les recherches de Woodzicka et LaFrance (2001) révèlent la différence entre la façon dont les femmes pensent qu’elles réagiraient et la façon dont elles réagissent effectivement. Dans la première étude, on a deman- dé à des étudiantes d’imaginer comment elles réagiraient si on leur posait des questions sexistes lors d’un entretien d’embauche. Dans la deuxième étude, les femmes ont participé à ce qu’elles pensaient être un véritable entretien d’em- bauche où de telles questions étaient posées. Les résultats ont montré un déca- lage entre ce que les femmes pensaient qu’elles feraient (se mettre en colère, confronter l’auteur et se plaindre) et ce qu’elles ont réellement fait (se montrer craintive, rester impassible, n’exprimer aucune plainte). D’autre part, il y a aussi des limites aux expériences menées en laboratoire. Bien qu’elles puissent révéler des réactions à des comportements réels, ces ré- actions se produisent dans un cadre de laboratoire artificiel (pas dans un cadre professionnel ou scolaire réel, avec des personnes qui ont des relations, des interdépendances, des hiérarchies de statut réelles, etc.). Les participant·e·s aux expériences sont souvent des étudiant·e·s de premier cycle qui ont une expérience professionnelle limitée et qui représentent une population très di- versifiée (il s’agit principalement de personnes blanches, de la classe moyenne, âgés de moins de 20 ans). En outre, les expériences fournissent un aperçu à un moment donné, offrant un seul regard sur les comportements et les réponses. Les enquêtes et les témoignages de parties prenantes dans le cadre d’affaires

78 HARCÈLEMENT SEXUEL DES FEMMES de harcèlement sexuel suggèrent que les pires cas de harcèlement sexuel ne sont pas des incidents isolés, mais plutôt qu’ils s’étalent sur une longue période (Cantalupo et Kidder 2017a, 2017b), ce que les expériences en laboratoire ne peuvent pas évaluer. Entretiens, études de cas et autres méthodes qualitatives La recherche qualitative offre un large éventail de méthodologies qui peuvent être utiles pour comprendre le harcèlement sexuel, bien qu’elle soit surtout connue pour les entretiens individuels semi-structurés (Bazeley 2003). La recherche qualitative peut également être menée dans des groupes de dis- cussion, réunissant des groupes similaires afin de faciliter les conversations entre les participants. Plusieurs disciplines des sciences sociales utilisent égale- ment des méthodes ethnographiques ou auto-ethnographiques. L’ethnographie est une façon systématique de participer et d’observer dans des contextes, ou des cultures, particuliers pour répondre à des questions de recherche sur l’in- tersection de la culture et de l’expérience vécue, où l’auto-ethnographie invite les chercheur·e·s à réfléchir sur leurs expériences personnelles et à relier ces expériences à une question de recherche plus large. Par exemple, la plupart des premiers travaux sur le harcèlement sexuel dans les sciences de terrain étaient soit des entretiens, soit de l’auto-ethnographie, en particulier chez les anthro- pologues culturels, qui effectuent souvent leur travail sur le terrain seul·e·s (par exemple, Sharp et Kremer 2006). Les approches qualitatives comprennent également l’analyse textuelle des sources primaires existantes (par exemple, l’étude des programmes scientifiques ou des offres d’emploi pour le langage sexiste), et les études de cas, ou les récits, où une seule histoire est suivie en profondeur. Les données des études de cas sont souvent collectées par le biais d’entretiens, la différence réside dans le fait que, plutôt que d’interroger un nombre suffisamment conséquent d’individus pour atteindre un nombre maxi- mal de participant·e·s, un·e chercheur·e approfondira l’enquête avec chaque participant·e pour construire un récit plus détaillé (par exemple, Banerjee et Pawley 2013). Les approches qualitatives sont largement reconnues comme étant la mé- thode de choix pour générer un aperçu des phénomènes complexes, des contextes dans lesquels ils se produisent et de leurs conséquences (Cho, Cren- shaw et McCall 2013). Ces méthodes sont considérées comme particulièrement

2. Recherche sur le harcèlement sexuel 79 bien adaptées pour fournir des informations de base essentielles et mettre en évidence les expériences et les perceptions d’individus ciblés par des agisse- ments oppressants, telles que les personnes ayant été harcelées sexuellement. L’approche donne également la parole aux personnes qui ont tendance à ne pas être entendues ou à celles dont les expériences ont peu de précédents dans les recherches antérieures (Sofaer 1999). Méthodes socio-juridiques Les études socio-juridiques constituent un domaine interdisciplinaire dans lequel les chercheur·e·s utilisent toutes les méthodes de recherche décrites ci-dessus (enquêtes, expériences, entretiens, études de cas, ethnographie) pour étudier un large éventail de sujets concernant les lois formelles, les systèmes de règles de type juridique et les relations sociales et politiques qui contribuent à constituer ce qu’est le droit (Banakar et Travers 2005). Les méthodes de re- cherche juridique font également partie des méthodes socio-juridiques, et com- prennent l’analyse doctrinale, l’histoire du droit et les études de développement documentaire, ainsi que la réponse à des questions sur les règles juridiques for- melles qui existent exactement dans les différentes juridictions et les domaines du droit interdépendants, où il existe souvent des ambiguïtés et des conflits. Les spécialistes en droit social sont, bien entendu, attentifs aux règles et lois for- melles qui existent réellement (dans le cas du harcèlement sexuel, il s’agit des doctrines du Titre VII et du Titre IX), mais une approche de départ, qui consiste à présumer que ce qu’est le droit et comment il fonctionne, est beaucoup plus complexe que ce que la seule étude doctrinale peut révéler. Les méthodes de recherche socio-juridiques ont tendance à se fonder sur les sciences sociales empiriques et observationnelles, soutenues par la recherche ju- ridique. Les études classiques utilisant ces méthodes ont documenté la manière dont les gens ordinaires résolvent généralement leurs différends en utilisant des coutumes et des normes juridiques plutôt que le droit formel (Macaulay 1963, Ellickson 1991), dans quelle mesure le dépôt d’une plainte pour préjudice per- sonnel au sein d’une petite communauté est un signe de marginalité, de subor- dination (Engel 1984) et la difficulté pour les personnes, qui ont été victimes de discrimination, de bénéficier des protections juridiques, car cela leur donne le sentiment d’être à nouveau victimes (Bumiller 1992). Ces types d’études so- cio-juridiques partagent les points forts et les limites des méthodes de recherche

80 HARCÈLEMENT SEXUEL DES FEMMES ethnographiques et qualitatives en général : d’une part, elles peuvent saisir les riches détails contextuels d’un cadre, d’un groupe de personnes et d’un en- semble de relations particuliers, mais d’autre part, elles sont limitées dans le temps et dans l’espace et ne permettent pas de généraliser. Néanmoins, des décennies de recherche utilisant ces méthodes ont produit un ensemble consi- dérable de résultats qui suggèrent fortement que ce qu’est le droit formel et ce que les gens comprennent comme tel est souvent assez éloigné ; que, pour la plupart des individus, il est très difficile de recourir à des systèmes formels pour revendiquer les torts qui leur ont été causés, bien que cela puisse être responsa- bilisant et produire un changement social ; et que les lois et le système juridique soutiennent généralement les structures de pouvoir existantes plutôt que de les remodeler fondamentalement (Freeman 1978, Edelman 2016, Berrey, Nelson et Nielsen 2017). Les méthodes de recherche socio-juridique exigent d’étudier la loi à de nombreux niveaux d’expérience pour aborder le harcèlement sexuel, par exemple, parce que ce que les femmes pensent mériter, ou obtenir, est tout aussi important que ce que la loi leur offre officiellement. À titre d’exemple, l’étude d’Anna-Maria Marshall sur l’expérience du harcèlement sexuel parmi le personnel féminin d’une université du Midwest en 1997-1998, a combiné un entretien approfondi avec 25 membres du personnel féminin, dont une analyse juridique au niveau national, une analyse politique au niveau universitaire et une enquête envoyée à 1 000 employées choisies au hasard sur le lieu de travail d’une université pour comprendre, de leur point de vue, ce qui constitue du harcèlement sexuel (Marshall 2005). Que ce soit dans le domaine des sciences, de l’ingénierie ou de la médecine, le harcèlement sexuel est une catégorie d’expérience pour toutes les personnes concernées, en d’autres termes, il faut lui attribuer un sens, des obligations, des droits, des devoirs et des processus. Les spécialistes du droit social peuvent également faire le lien entre les mé- thodes des sciences sociales et le droit grâce à des recherches sur ce qu’ils appellent le problème de l’« iceberg » ou de la « pointe de l’iceberg ». Le pro- blème du « sommet de l’iceberg » est la reconnaissance par les chercheur·e·s que les litiges juridiques publiés constituent un échantillon très biaisé et sys- tématiquement non représentatif de l’univers des litiges. Comme le décrivent Peter Siegelman et John Donohue (1990), « la plupart des litiges potentiels ne sont jamais définis comme tels par les acteurs, la plupart des litiges réels ne sont pas portés devant les tribunaux, la plupart des affaires judiciaires sont ré-

2. Recherche sur le harcèlement sexuel 81 glées plutôt que jugées, et la plupart des affaires jugées ne sont pas examinées » (1133). Leur analyse des décisions publiées, et non publiées, des tribunaux de district suggère que les affaires, qui atteignent le stade d’une décision judiciaire publiée, peuvent concerner des domaines plus récents de la jurisprudence ou des circonstances plus dramatiques ou inhabituelles qui contribuent à expliquer pourquoi ces affaires n’ont pas été réglées plus tôt et avant qu’elles ne soient présentées aux chercheur·e·s. La publication en tant qu’issue juridique est l’un des seuls moyens par lesquels une affaire de harcèlement sexuel pourrait être connue et étudiée, mais il existe de nombreuses autres voies protégées par la loi pour garder les affaires et leurs résultats à l’écart. Les règlements confidentiels, les accords de non-divulgation, les notes confidentielles dans un dossier univer- sitaire ou professionnel, et les dispositions des plaintes qui ne sont pas écrites, sont tous des résultats qui ne peuvent pas être étudiés, suivis, comptabilisés ou évalués. Même lorsque les juristes tentent de recueillir des échantillons de centaines de plaintes pour harcèlement sexuel, comme l’enquête menée en 2000 par Ann Juliano et Stewart J. Schwab sur chaque décision de la cour fédérale de district et d’appel en matière de harcèlement sexuel entre 1986 et 1995, soit près de 650 au total, ils reconnaissent que ces cas ne sont pas représentatifs de l’en- semble des cas. Juliano et Schwab ont constaté que les cas les plus pertinents à étudier concernaient les comportements de nature sexuelle dirigés contre une cible spécifique sur un lieu de travail à prédominance masculine, dont la cible s’était plainte mais auquel l’employeur n’avait pas répondu par une procédure formelle (Juliano et Schwab 2000, 593). Une autre étude, celle de Nancy Chi Cantalupo et William Kidder (2017b) sur le harcèlement sexuel dans le milieu universitaire, tente de classer les affaires à partir du niveau le plus bas possible de l’iceberg, en s’appuyant sur des incidents enregistrés à d’autres endroits que les sources de publication habituelles des décisions judiciaires, y compris les rapports des médias, les enquêtes administratives sur les droits civils dans les départements de l’éducation et de la justice, les poursuites communiquées par les étudiants et les poursuites concernant la réintégration des membres du corps enseignant licenciés pour harcèlement sexuel. Cantalupo et Kidder trouvent plus de comportements de harcèlement physique (par opposition au harcèle- ment verbal) et plus de preuves de harcèlement en série dans les plaintes do- cumentées que les chercheur·e·s de l’enquête n’en ont trouvé, par exemple. Même si elles ne se fondent pas sur des échantillons représentatifs de cas et ne

82 HARCÈLEMENT SEXUEL DES FEMMES peuvent donc pas être utilisées pour généraliser sur les taux de harcèlement, des études comme celles-ci peuvent tout de même permettre de tirer des conclu- sions de recherche importantes sur les jugements en matière de harcèlement sexuel et les attitudes judiciaires à leur égard. PRÉVALENCE DU HARCÈLEMENT SEXUEL Les études sur le harcèlement sexuel menées depuis les années 1980 jusqu’à aujourd’hui continuent de montrer que le harcèlement sexuel des femmes est très répandu sur les lieux de travail et que les taux de harcèlement sexuel n’ont pas diminué de manière significative. Les études ont également identifié les caractéristiques communes du harcèlement sexuel sur différents lieux de travail et ont mis en évidence les caractéristiques des lieux de travail qui sont asso- ciées à des taux plus élevés de harcèlement sexuel. Cette section et la suivante examinent ce que la recherche peut nous apprendre sur les tendances des taux de harcèlement sexuel dans le temps et les caractéristiques communes du har- cèlement sexuel et des environnements de harcèlement sexuel. Dans la mesure du possible, le rapport cite les études scientifiques les plus récentes sur un sujet donné. Cela dit, la recherche empirique sur le harcèlement sexuel, utilisant des méthodes scientifiques rigoureuses, remonte aux années 1980. Ce rapport cite les conclusions des travaux antérieurs lorsque ces résul- tats révèlent des tendances ou des schémas historiques répétés au fil du temps. Il cite également les résultats d’études antérieures lorsqu’il n’y a aucune raison théorique de penser que les résultats ont changé avec le temps. Par exemple, la relation inverse entre le harcèlement sexuel et la satisfaction professionnelle est solide : plus une personne est harcelée au travail, moins elle aime son travail. Ce constat de base n’a pas changé en trente ans, et il n’y a aucune raison de s’attendre à ce que ce soit le cas. Pour obtenir les tendances de la prévalence du harcèlement sexuel, l’idéal serait d’examiner des données longitudinales qui utilisent un instrument dû- ment validé sur le comportement pour différents lieux de travail et secteurs d’activité ; malheureusement, ces données ne sont pas disponibles. L’USMSPB (U.S. Merit System Protection Board) a été l’une des premières organisations à étudier le harcèlement sexuel, en se concentrant sur les actifs à l’échelle fédé-

2. Recherche sur le harcèlement sexuel 83 rale, qui reflètent une diversité d’emplois et d’environnements de travail. Les enquêtes de l’USMSPB, menées en 1980, 1987, 1994 et 2016, ont interrogé des échantillons scientifiquement sélectionnés de travailleur·euse·s américain·e·s sur leurs expériences de formes spécifiques de harcèlement sexuel7 au travail au cours des 24 derniers mois. Ces enquêtes ont utilisé des questions compor- tementales ; cependant, elles n’ont pas utilisé le SEQ et, au cours des années précédents, l’enquête ne contenait aucune question sur les formes non sexua- lisées de harcèlement sexuel telles que les propos sexistes, qui sont connus pour constituer la forme la plus répandue de harcèlement sexuel (Kabat-Farr et Cortina 2014). Par conséquent, il ne s’agit pas d’une bonne source de données longitudinales couvrant les trois formes de harcèlement sexuel. Cette enquête permet, toutefois, d’évaluer la compréhension du terme « har- cèlement sexuel  » par une population. L’USMSPB a mené des enquêtes qui consistaient à demander aux répondant·e·s s’il·elle·s classeraient certains com- portements comme du « harcèlement sexuel ». Les résultats ont montré qu’entre 1980 et 2016, la proportion de répondant·e·s qui classent les comportements comme du harcèlement sexuel a augmenté, ce qui démontre une amélioration de la compréhension de ce terme par la population. Le pourcentage d’hommes qui pensent que faire pression sur une collègue de travail pour obtenir des fa- veurs sexuelles est un problème sexuel est passé de 65% en 1980 à 93% en 1994, et à 97% en 2016. De même, le pourcentage d’hommes qui perçoivent les remarques sexuelles non désirées sur le lieu de travail comme du harcèlement sexuel est passé de 42% en 1980 à 64% en 1994, et à 94% en 2016. On a éga- lement constaté une augmentation dans la perception des femmes. En effet, le pourcentage de femmes qui considèrent les remarques sexuelles d’un collègue de travail comme du harcèlement sexuel est passé de 54% en 1980 à 77% en 1994 et à 95% en 2016. Il est également important de noter que, parmi les per- sonnes ayant été victimes de harcèlement sexuel dans l’enquête de 2016, seule- ment 11% environ ont pris des mesures officielles, comme déposer une plainte ou faire un rapport à leur organisation (USMSPB 2018). Comme le montrent 7 L’enquête de 1980 utilisait 6 formes de « harcèlement sexuel non désiré et non sollicité », celle de 1987 en utilisait 7 (en ajoutant le viol et l’agression sexuelle), celle de 1994, 8 (en ajoutant le viol et le harcèlement criminel), et, celle de 2016, 12 (en ajoutant les types de harcèlement sexuel). Les six catégories initiales sont restées les mêmes au fil des ans.

84 HARCÈLEMENT SEXUEL DES FEMMES les résultats que nous venons d’évoquer, cette absence de signalement n’est pas due à une définition inexacte du harcèlement sexuel par les répondant·e·s ; elle reflète plutôt le fait que les individus sont réticents à prendre des mesures formelles, ce qui sera examiné plus en détail au chapitre 4. L’armée américaine est l’autre organisation à étudier le harcèlement sexuel par le biais de grandes enquêtes à un stade précoce, et ce, sur plusieurs années. De 1995 à 20128, le Defense Manpower Data Center (DMDC) a utilisé une enquête au format SEQ qui a permis de poser des questions sur plus de 20 comportements spécifiques liés au sexe ou au genre rencontrés au cours des 12 derniers mois. Comme le montrent les résultats du tableau 2-1, les don- nées montrent que la prévalence des trois types de harcèlement sexuel a été constante. Elles montrent également que la forme de harcèlement sexuel liée au sexe (qui se décompose en comportement grossier et offensant et en comporte- ment sexiste) est de loin le type de comportement de harcèlement sexuel le plus répandu, un résultat qui est cohérent avec les recherches menées dans d’autres contextes de travail (Kabat-Farr et Cortina 2014). Étant donné qu’il existe peu de données longitudinales sur la prévalence du harcèlement sexuel utilisant un instrument basé sur le comportement dûment validé, la meilleure analyse de la prévalence du harcèlement sexuel sur le lieu 8 Après l’enquête de 2012, l’armée a demandé à la RAND Corporation de mener une nou- velle enquête en révisant la méthodologie selon les besoins. Il en résulte un changement significatif de la définition du harcèlement sexuel dans l’analyse, et les chiffres de préva- lence ne peuvent donc pas être facilement comparés avec la précédente série d’enquêtes. Alors que les enquêtes précédentes évaluaient la prévalence des comportements de harcè- lement sexuel, l’enquête RAND a utilisé des questions basées sur le comportement pour déterminer le taux de prévalence du harcèlement sexuel légalement défini, ce qui signifie qu’ils ont posé des questions et regroupé les résultats en fonction de l’environnement de travail hostile et du harcèlement en contrepartie. Alors que le harcèlement en contrepartie correspond clairement à la coercition sexuelle, l’environnement de travail hostile exige que les comportements de harcèlement sexuel (tels que le harcèlement sexuel et les atten- tions sexuelles non désirées) soient considérés par la personne interrogée comme intrusifs ou graves – ce qui nécessite essentiellement une évaluation de la fréquence ou de la gra- vité qui n’a pas été utilisée auparavant. Avec cette définition beaucoup plus étroite de ce qui « compte » pour qualifier des faits de harcèlement, l’enquête de 2016 a montré un taux global de harcèlement sexuel plus faible pour les femmes sur une période de 12 mois, à savoir 21,4% (RAND 2016)

2. Recherche sur le harcèlement sexuel 85 de travail, et dans le temps, provient d’une méta-analyse faite par Ilies et ses collègues (2003). Sur la base de plus de 86 000 répondantes issues de 55 échan- tillons probabilistes, Illies et ses collègues démontrent, qu’en moyenne, 58% des femmes sont victimes de harcèlement sexuel au travail. TABLEAU 2-1 Taux de femmes militaires en service ayant été victimes de harcèlement sexuel au moins une fois au cours des douze derniers mois, par rapport aux estimations de 2000, 2006, 2010, et 2012 2000 2006 2010 2012 (%) (%) (%) (%) Harcèlement de genre : direct et agressif 50 54 43 47 Harcèlement de genre : sexiste 45 52 41 41 Attentions sexuelles non désirées 27 32 23 23 Coercition sexuelle 8 8 8 8 SOURCE: DMDC 2003, 2008, 2011, 2013. En examinant de plus près les différents secteurs du lieu de travail, les cher- cheur·e·s ont constaté qu’il existait une certaine variation entre les secteurs, avec une prévalence allant de 43 à 69% (ce point sera examiné plus en détail au chapitre 3 lorsque l’on compare le milieu universitaire à d’autres secteurs). Leur analyse des tendances dans le temps a révélé qu’au cours des 25 années étudiées, les femmes qui ont répondu aux enquêtes à l’aide d’instruments basés sur le comportement (et qui ont utilisé un échantillon probabiliste) ont signalé de plus en plus d’expériences de harcèlement sexuel. Les auteurs notent que leurs données ne permettent pas d’étudier les raisons de ce changement, et que seule une analyse des tendances temporelles des données obtenues à l’aide des mêmes instruments peut véritablement répondre à la question de savoir quelle est la tendance des taux de prévalence.

86 HARCÈLEMENT SEXUEL DES FEMMES CARACTÉRISTIQUES DU HARCÈLEMENT SEXUEL ET DES ENVIRONNEMENTS PROPICES AU HARCÈLEMENT SEXUEL Des enquêtes rigoureuses ont permis d’identifier les caractéristiques com- munes du harcèlement sexuel. Ce travail va à l’encontre de certaines des prin- cipales hypothèses formulées sur ce qu’il est, ainsi que sur la manière dont le harcèlement sexuel affecte les victimes, les témoins et l’environnement des milieux de travail et d’enseignement. Ce chapitre décrit certains des aspects du harcèlement sexuel qui sont fortement soutenus par la littérature. Cependant, il convient de noter que les données sur les diverses expériences de harcèlement sexuel des femmes de couleur, des minorités sexuelles et de genre sont rares, de sorte que ces caractéristiques sont susceptibles de refléter l’expérience des femmes qui n’appartiennent pas à ces minorités. Caractéristiques du harcèlement sexuel Les femmes sont plus susceptibles que les hommes d’êtres harcelées sexuel- lement et de subir des comportements constitutifs de faits de harcèlement sexuel à une fréquence plus élevée (USMSPB 1995 ; Magley, Hulin et al. 1999 ; Ilies et al. 2003  ; Kabat-Farr et Cortina 2014). Les résultats de l’enquête DMDC 2012, présentés dans le tableau 2-2, montrent que, pour les trois types de harcè- lement sexuel, le personnel féminin, par rapport à son homologue masculin, est plus susceptible d’avoir été victime au moins une fois du harcèlement sexuel au cours des 12 derniers mois. De même, l’étude de l’USMSPB de 1994 sur les travailleurs fédéraux a révélé que plus de femmes (44%) que d’hommes (19%) décrivaient des expériences de l’un des sept types de comportement de harcè- lement sexuel au cours de leurs deux dernières années de travail (USMSPB 1995). Dans une étude plus récente utilisant le SEQ, Rosenthal, Smidt et Freyd (2016) ont interrogé 525 étudiants de deuxième cycle au sujet de leur exposition au harcèlement sexuel pendant leurs études supérieures. Les étudiantes étaient 1,64 fois plus susceptibles d’avoir été harcelées sexuellement par le corps en- seignant ou le personnel (38%) que les étudiants (23%). Bien que l’enquête occasionnelle ne fasse état d’aucune différence significative entre les sexes (par exemple, Konik et Cortina 2008) dans un groupe spécifique, de nombreuses études ont révélé que les femmes sont plus souvent victimes de harcèlement sexuel que les hommes.

2. Recherche sur le harcèlement sexuel 87 TABLEAU 2-2 Taux de femmes et d’hommes militaires en service ayant été victimes de harcèlement sexuel au moins une fois au cours des douze derniers mois Femmes (%) Hommes (%) Harcèlement de genre : direct et agressif 41 20 Harcèlement de genre : sexiste 47 15 Attentions sexuelles non désirées 23 5 Coercition sexuelle 8 2 SOURCE: DMDC 2013. L’écrasante majorité des cas de harcèlement sexuel implique une forme de harcèlement sexiste (les dénigrements constitutifs de faits de harcèlement sexuel qui comprennent l’hostilité sexiste et le comportement grossier). Les attentions sexuelles non désirées constituent la deuxième forme de harcèlement sexuel la plus courante, et seule une petite minorité de femmes est soumise à la coercition sexuelle. Par exemple, Schneider, Swan et Fitzgerald (1997) ont analysé les données de deux échantillons de femmes  : des ouvrières d’usine et des membres du corps enseignant ou du personnel universitaire. Dans les deux échantillons, le harcèlement sexiste était de loin l’expérience la plus ré- pandue : 54 à 60% des femmes ont déclaré avoir été victimes de harcèlement sexiste, avec ou sans attentions sexuelles non désirées. En revanche, la coer- cition sexuelle est rare ; environ 4% des femmes de chaque échantillon l’ont mentionnée. En outre, la coercition sexuelle ne se produit jamais sans qu’il y ait des attentions sexuelles non désirées et sans harcèlement sexiste. En analy- sant le harcèlement sexuel des étudiants de deuxième cycle, Rosenthal, Smidt et Freyd (2016) ont constaté que 59% des cas de harcèlement impliquaient une forme de harcèlement sexiste, tandis que seulement 5% comportaient des attouchements non désirés, et moins de 4% de la coercition sexuelle. Dans une autre étude, Leskinen, Cortina et Kabat (2011) ont analysé les données de deux échantillons de femmes qui travaillent dans des secteurs à forte prédominance masculine : l’armée et le droit. En se concentrant uniquement sur les données de femmes ayant été confrontées au moins une fois à du harcèlement sexuel au cours de l’année précédente, ils ont constaté que 9 personnes sur 10 ayant subi du harcèlement sexuel avaient été confrontées à du harcèlement sexuel avec peu, ou pas, d’attention sexuelles ou de coercition. Alors qu’une récente enquête nationale menée auprès de 615 hommes actifs a révélé que sur les

88 HARCÈLEMENT SEXUEL DES FEMMES 25% de répondants masculins qui ont admis avoir eu au moins une fois un comportement de harcèlement sexuel au cours de l’année écoulée, la forme la plus courante était le harcèlement sexuel et la moins courante était la coercition sexuelle (Patel, Griggs et Miller 2017). Le fait que le harcèlement sexiste soit le type de harcèlement sexuel le plus courant est un résultat inattendu en termes de définition du harcèlement sexuel, car les attentions sexuelles non désirées et la coercition sexuelle sont les plus souvent signalées tant dans la documentation officielle du Titre IX/ des ressources humaines (Cantalupo et Kidder 2017a, 2017b) que dans les médias9. C’est en partie pourquoi l’idée erronée selon la- quelle le harcèlement sexuel est une question de sexe a persisté. Dans la grande majorité des cas de harcèlement sexuel des femmes, les hommes sont les auteurs. Par exemple, dans l’étude de l’USMSPB de 1994, 93% des femmes victimes de harcèlement sexuel ont déclaré que leurs agres- seurs étaient des hommes (USMSPB 1995). L’étude de 1995 du DMDC a donné des résultats remarquablement similaires, 92% des femmes harcelées sexuellement décrivant des hommes comme étant les auteurs des faits (Mag- ley, Waldo et al. 1999). Dans l’étude de Rosenthal, Smidt et Freyd (2016) sur le harcèlement sexuel des étudiantes de deuxième cycle, parmi celles qui ont été harcelées sexuellement par le corps enseignant ou le personnel, 86% des femmes ont décrit leurs agresseurs comme étant des hommes. Même lorsque les hommes sont la victime de harcèlement sexuel, le plus souvent l’auteur est également un homme (voir également Kabat-Farr et Cortina 2014, Magley, Waldo et al. 1999). Les femmes sont fréquemment harcelées par leurs collègues de travail et les autres employés (ou leurs camarades pour les étudiantes), les supérieur·e·s 9 Voir, par exemple, https://www.nytimes.com/2017/10/05/us/harvey-weinstein-harass- ment-allegations. html?rref=collection%2Fbyline%2Fjodi-kantor; https://www.nytimes. com/2017/10/10/us/gwyneth-paltrow-angelina-jolie-harvey-weinstein.html?rref=col- lection%2Fbyline%2Fjodi-kantor&action=click&contentCollection=undefined&re- gion=stream&module=stream_unit&version=latest&contentPlacement= 10&pgtype=col- lection; https://www.buzzfeed.com/azeenghorayshi/geoff-marcy-at-sfsu?utm_term=. phP5anr0n#.kprpq6Gj6; https://www.buzzfeed.com/azeenghorayshi/ott-harassment-in- vestigation?utm_ term=.vi3ByvlNv#.wm83947r4; and https://www.reuters.com/article/ us-foxnews-lawsuit/ex-fox-news-anchor-accuses-former-boss-ailes-of-sexual-harassment- idUSKCN0ZM21I.

2. Recherche sur le harcèlement sexuel 89 hiérarchiques ne sont pas les auteur·e·s les plus fréquent·e·s10 (USMSPB 1995, 2018, AAUW 2005, Schneider, Pryor et Fitzgerald 2011, Rosenthal, Smidt et Freyd 2016). Par exemple, dans l’étude de Rosenthal, Smidt et Freyd (2016) sur les étudiantes de deuxième cycle, 38% des participantes ont déclaré avoir été harcelées sexuellement par le corps enseignant ou le personnel, tandis que 58% ont décrit le harcèlement sexuel provenant d’autres étudiant·e·s. Dans une étude réalisée par Huerta et ses collègues (2006), les étudiantes victimes de harcèlement sexuel ont décrit l’expérience de harcèlement qui les dérangeait le plus. Les trois quarts de ces victimes ont indiqué que l’auteur de cet incident décrit comme étant « le plus gênant » était un pair (collègue étudiant·e), alors que seulement un quart des auteurs étaient des personnes de statut supérieur (personnel, faculté ou administra·teur·trices). Les victimes du harcèlement sexuel sont souvent confrontées à des compor- tements de harcèlement sexuel répétés plutôt qu’à un seul et unique incident. Dans l’étude de Rosenthal, Smidt et Freyd de 2016 sur les étudiantes de deu- xième cycle, dans laquelle 38% des femmes ont été harcelées sexuellement par le corps enseignant et le personnel et 58% ont été harcelées sexuellement par les étudiant·e·s, seule une petite part (un tiers ou moins) de ces femmes ont décrit leur expérience de harcèlement comme étant limitée à un seul et unique incident. Cela confirme les recherches antérieures utilisant les données de l’en- quête de l’USMSPB de 1987, dans laquelle les chercheur·e·s ont constaté que « 75% des personnes ayant subi des taquineries et des blagues à connotation sexuelle ont déclaré que ce n’était pas un incident unique, et 54% des personnes ayant subi des pressions pour obtenir des faveurs sexuelles ont déclaré que cela s’était produit plus d’une fois (USMSPB 1988). Pour la plupart des femmes, le harcèlement a duré plus d’une semaine, et souvent jusqu’à six mois » (Schnei- der, Swan et Fitzgerald 1997, 402). Le harcèlement sexuel chez les femmes de couleur et les minorités Ce que l’on sait des expériences des femmes, c’est que celles qui ont de multiples marginalités, par exemple les femmes de couleur et les femmes ap- partenant à des minorités sexuelles et de genre, subissent certaines formes de 10  facteur évident qui contribue à cette différence est qu’il y a le plus souvent plus de Un collègues ou de pairs qu’il n’y a de supérieurs.

90 HARCÈLEMENT SEXUEL DES FEMMES harcèlement à un taux plus élevé que les autres femmes (par exemple, Bucha- nan, Setttles et Woods 2008, Clancy et al. 2017, Cortina 2004, Cortina et al. 1998, Konik et Cortina 2008, Rabelo et Cortina 2014). En outre, le contexte culturel dans lequel évoluent les personnes d’origine raciale et ethnique dif- férentes, ainsi que le fait qu’elles soient numériquement moins représentées sur un lieu de travail, peuvent avoir des effets sur la manière dont elles vivent le harcèlement sexuel (Cortina et al. 2002, Welsh et al. 2006). Ainsi, il existe un large éventail de vulnérabilités, d’expériences et de conséquences pour les femmes de couleur et les minorités de genre qui sont victimes de harcèlement sexuel sur le lieu de travail. En tant que domaine d’étude et objectif analytique, l’intersectionnalité four- nit un cadre permettant de rendre visible la relation mutuellement constitutive entre l’origine raciale, ethnique, la sexualité, la catégorie sociale et d’autres statuts sociaux qui affectent l’expérience de harcèlement vécue par les victimes (Collins 2015). Elle est ancrée dans le féminisme noir et la théorie critique de la race et rend également visibles les axes d’oppression qui se croisent et qui rendent hommage aux hiérarchies de pouvoir au sein d’une structure sociale liée à l’origine raciale, ethnique, le sexe, la sexualité et la classe sociale. En s’attaquant à l’héritage de l’exclusion des femmes noires, la juriste Kimber- lé Williams Crenshaw a utilisé le concept d’intersectionnalité pour mettre en évidence l’intersection de la discrimination fondée sur la race et le sexe, et la façon dont le fait de les traiter comme des éléments à part, et non comme des éléments qui s’entremêlent, a rendu la discrimination et les multiples margi- nalités auxquelles sont confrontées les femmes noires, invisibles pour les lois anti-discrimination (Crenshaw 1989, 1991). Plus récemment, Crenshaw a dé- crit l’intersectionnalité comme un travail en cours pour indiquer le mouvement et l’élargissement de son utilisation à travers les différentes disciplines et à un plus large éventail de lieux sociaux (Carbado 2013 ; Crenshaw 2014). Certain·e·s chercheur·e·s ont appliqué une optique intersectionnelle pour examiner les expériences de harcèlement sexuel des femmes de couleur, bien que la recherche dans ce domaine soit encore très limitée. Il est important de donner la priorité à l’étude du harcèlement sexuel chez les femmes non cis- genres (être cisgenre signifie se sentir en phase avec le sexe qui nous a été assigné à la naissance), non hétérosexuelles et non blanches lorsqu’on consi- dère l’impact du harcèlement sexuel au sein d’une organisation. Des recherches récentes, qui ont commencé à examiner le harcèlement sexuel sous l’angle de

2. Recherche sur le harcèlement sexuel 91 l’intersectionnalité, révèlent les expériences des femmes de couleur en com- paraison avec celles des femmes blanches, des hommes blancs et des hommes de couleur. Cette recherche démontre que les femmes de couleur et les femmes appartenant aux minorités sexuelles, et de genre, vivent, parfois, le harcèlement sexuel différemment des autres populations. Les femmes de couleur vivent sou- vent le harcèlement sexuel comme une manifestation de discrimination à la fois sexuelle et raciale (Cortina et al. 2002, Murrell 1996), ce qui, combiné, peut conduire à des taux plus élevés de harcèlement global (Berdahl et Moore 2006, Woods, Buchanan et Settles 2009). Les entretiens menés par RTI International11 ont permis de glaner des infor- mations complexes sur l’intersectionnalité et le harcèlement sexuel. Les répon- dants ont noté que les questions de harcèlement sexuel et de genre sont souvent dépassées par la façon dont d’autres questions telles que la race et l’orientation sexuelle se recoupent avec leur expérience de femme. Ces femmes ont noté une incapacité à démêler la discrimination et les préjugés découlant soit du sexe, soit de l’intersection de leurs identités (RTO 2018). Et puis il y a beaucoup de transphobie assez manifeste dans mon institution, je pense. Et je ne sais pas vraiment quoi en penser. Mais il y a une sorte de… de vieux ensemble d’attentes et de normes liées au sexe, héritées des États du sud, qui, si vous ne les respectez pas, montrent assez clairement ce que les gens pensent, et ils n’ont pas besoin d’en dire beaucoup pour que vous le sachiez, vous voyez ce que je veux dire ? (Professeure non-titularisée en soins infirmiers) J’en ai conclu qu’une [grande partie] de mes efforts et de ma ténacité en faveur de l’égalité et de l’équité reposent en fait sur la question raciale. Je pense que cela est dû en partie au fait que j’ai été plus confrontée à des problèmes liés à mes origines raciales qu’à mon sexe, du moins, plus ouvertement. En d’autres termes, on m’a dit en face : « Je ne veux pas m’occuper de cette noire » ou « Oh, vous parlez clairement pour une personne noire »… toutes ces micro-agressions, ces déclarations et ces insinuations. (Professeure non-titularisée de médecine) Ces études démontrent que l’identité d’un individu peut influer sur la ma- nière dont le harcèlement sexuel est perpétré. 11 Cette recherche a été commanditée par le comité et l’intégralité du rapport est disponible à l’annexe C.

92 HARCÈLEMENT SEXUEL DES FEMMES De même, les femmes lesbiennes, les gays et les bisexuels sont confrontés à des formes de harcèlement qui reflètent une combinaison de sexisme et d’hété- rosexisme (Konik et Cortina 2008 ; Rabelo et Cortina 2014). Les individus non binaires, en revanche, doivent négocier leur identité dans le cadre des construc- tions du caractère binaire du genre qui prévaut encore aujourd’hui (Dietert et Dentice 2009). Une étude réalisée par Irwin (2002) a examiné la discrimination sur le lieu de travail dans le secteur de l’enseignement en Australie parmi les hommes homosexuels, les lesbiennes et les transsexuels. Irwin a constaté que plus de 60% des enseignant·e·s, universitaires et professeurs·e·s qui se sont identifié·e·s comme lesbiennes, gays ou transsexuels ont été victimes de com- portements homophobes et/ ou de harcèlement, et ont été victimes de discrimi- nation sur le lieu de travail. L’étude a également révélé que 16% des personnes qui se sont identifiées comme lesbiennes, gays ou transgenres ont été victimes de harcèlement sexuel et qu’une participante a été agressée sexuellement. Les recherches sur les minorités sexuelles ont montré que cette population subit plus de harcèlement sexuel que les individus hétérosexuels. Dans une étude portant sur 629 employé·e·s de l’enseignement supérieur, près de 76,9% des minorités sexuelles (des deux sexes) ont été victimes de harcèlement sexuel, alors que seulement 30% des hétérosexuels (des deux sexes) ont été victimes de harcèlement sexuel (Konik et Cortina 2008). Cette tendance s’est poursuivie pour les autres formes de harcèlement sexuel (attentions sexuelles non désirées et coercition sexuelle). En effet, 39,7% des minorités sexuelles ont été victimes de ces types de harcèlement, alors que seulement 15,5% des hétérosexuels en ont été victimes. Dans une autre étude, la prévalence et l’impact du harcèlement hétérosexiste, qui est un comportement verbal et symbolique insensible (mais non agressif) qui traduit une animosité envers la non-hétérosexualité, ont été examinés chez les étudiant·e·s. L’étude a spécifiquement examiné comment les expériences de cette forme de harcèlement affectaient différemment les minori- tés sexuelles, et les hétérosexuels, et a révélé que les minorités sexuelles étaient plus susceptibles de subir des formes de harcèlement hétérosexiste que les hété- rosexuels (58% et 39%, respectivement), et que, lorsque les minorités sexuelles subissaient ce harcèlement, elles étaient aussi susceptibles de le subir sous une forme ambiante (53% et 47%, respectivement) (Silverschanz et al. 2008).

2. Recherche sur le harcèlement sexuel 93 Caractéristiques des environnements propices au harcèlement sexuel Les plus grands prédicteurs de l’occurrence du harcèlement sexuel sont, de loin, organisationnels. Les facteurs individuels (par exemple, les attitudes sexistes, les croyances qui rationalisent ou justifient le harcèlement, etc.) qui pourraient inciter quelqu’un à harceler un collègue de travail, un étudiant ou un pair sont certainement importants. Cependant, une personne qui a tendance à harceler sexuellement d’autres individus verra ses comportements fortement inhibés lorsqu’elle sera exposée à des individus qui se comportent de manière professionnelle, en comparaison avec des individus qui se comportent de telle manière à harceler autrui, ou lorsqu’elle se trouvera dans un environnement qui ne tolère pas le harcèlement et/ou qui sanctionne sévèrement ces compor- tements. Ainsi, cette section examine certaines des variables organisationnelles et environnementales qui augmentent le risque de perpétration de harcèlement sexuel. Les femmes travaillant dans des environnements où les hommes sont plus nombreux, où les postes de direction sont dominés par les hommes et/ ou les emplois, ou les professions, sont considérés comme atypiques pour les femmes, connaissent des incidents plus fréquents de harcèlement sexuel (USMSPB 1995, Fitzgerald et al. 1997, Berdahl 2007b, Willness, Steel et Lee 2007, Schneider, Pryor et Fitzgerald 2011). En particulier, plus l’environnement de travail est do- miné par les hommes, plus les femmes sont confrontées au harcèlement sexiste. Par exemple, dans une étude portant sur l’effet de l’équilibre entre les sexes sur le lieu de travail, les chercheur·e·s ont analysé les données des femmes em- ployées de l’administration fédérale des tribunaux. En comparant les femmes qui travaillent dans des groupes de travail où le nombre d’hommes et de femmes est équilibré (c’est-à-dire un nombre égal d’hommes et de femmes dans le groupe de travail) avec celles qui travaillent avec presque uniquement des hommes, les chercheur·e·s ont indiqué que les femmes de cette dernière catégorie étaient 1,68 fois plus susceptibles d’être confrontés à du harcèlement sexuel (Kabat-Farr et Cortina 2014). L’absence perçue de sanctions organisationnelles augmente le risque de perpétration de harcèlement sexuel. Les perceptions de la tolérance organisa- tionnelle à l’égard du harcèlement sexuel (également appelée climat organi-

94 HARCÈLEMENT SEXUEL DES FEMMES sationnel pour le harcèlement sexuel), se répartissent en trois catégories : (1) le risque perçu pour les cibles des plaintes, (2) l’absence perçue de sanctions contre les délinquants et (3) la perception que les plaintes ne seront pas prises au sérieux (Hulin, Fitzgerald et Drasgow 1996). Des recherches ont montré que la perception de la tolérance d’une organisation à l’égard des trois formes de harcèlement sexuel est liée, de manière significative, au harcèlement sexuel di- rect et au harcèlement sexuel ambiant. Dans les environnements perçus comme plus tolérants ou permissifs à l’égard du harcèlement sexuel, les femmes sont plus susceptibles d’être directement harcelées (Fitzgerald et al. 1997, Williams, Fitzgerald et Drasgow 1999) et d’être témoins du harcèlement d’autrui (Glomb et al. 1997). En fait, une méta-analyse qui a combiné les données de 41 études avec un échantillon total de près de 70 000 réponses a révélé que la perception de la tolérance organisationnelle était le prédicteur le plus puissant du harcè- lement sexuel dans les organisations de travail (Willness, Steel et Lee 2007). Dans une récente enquête nationale menée auprès de 615 hommes au travail (Patel, Griggs et Miller 2017), les faits de harcèlement sexuel ont été plus sou- vent signalés « parmi les hommes qui disent que leur entreprise ne dispose pas de directives contre le harcèlement, de lignes d’assistance téléphonique pour le signaler ou de sanctions pour les auteur·e·s, ou qui disent que leur direction s’en moquent ». Les situations sociales dans lesquelles les opinions sexistes et les compor- tements de harcèlement sexuel sont modélisés peuvent permettre, faciliter, ou même encourager, le harcèlement sexuel, tandis qu’à l’inverse, les modèles positifs peuvent l’inhiber (Dekker et Barling 1998, Perry, Schmidtke et Kulik 1998, Pryor, LaVite et Stoller 1993). Dans une étude, on a constaté que les étudiant·e·s qui avaient déclaré être prêt·e·s à exercer une contrainte sexuelle étaient plus susceptibles d’exploiter sexuellement une stagiaire féminine lors- qu’ils étaient exposés à une figure d’autorité qui agissait de telle manière (Pryor, LaVite et Stoller 1993). Hitlan et ses collègues (2009) ont constaté que le visionnement d’un film sexiste renforçait la tendance des hommes les moins sexistes à adopter ce type de comportements. Dans une autre expérience, les hommes qui regardaient des clips télévisés sexistes étaient plus susceptibles d’envoyer aux femmes des blagues sexistes non sollicitées et de se déclarer prêts à contraindre sexuellement une femme à répondre à ses demandes, que les hommes qui regardaient des programmes présentant des femmes jeunes et prospères dans des domaines tels que la science, la culture et les affaires

2. Recherche sur le harcèlement sexuel 95 (Maass, Cadinu et Galdi 2013). À l’inverse, les expériences montrent que le harcèlement sexuel est moins susceptible de se produire si ces comportements ne sont pas acceptés par les figures d’autorité (Pryor, LaVite et Stoller 1993). Ainsi, si les situations sociales ne fonctionnent pas nécessairement comme des déclencheurs de facteurs existant de prédiction du harcèlement sexuelle, ils peuvent agir comme un moteur d’encouragement, ou découragement, des hommes quant au harcèlement sexuel, ce qui démontre, ainsi, le pouvoir des normes sociales pratiquées (par exemple, les normes sociales communiquées par les actions des personnes dans un environnement plutôt que par leurs pa- roles ou les paroles de la politique officielle d’une organisation). D’autres facteurs qui, selon les recherches, augmentent les risques de har- cèlement sexuel sont les différences de pouvoir importantes au sein des orga- nisations hiérarchiques et la tolérance organisationnelle de la consommation d’alcool. Les environnements de travail hiérarchiques comme l’armée, où il existe un grand écart de pouvoir entre les niveaux organisationnels, et où l’on ne s’attend pas à ce que les supérieur·e·s soient interrogé·e·s, ont tendance à avoir des taux de harcèlement sexuel plus élevés que les organisations qui pré- sentent un écart de pouvoir moins important entre les niveaux organisationnels, comme le secteur privé et le gouvernement (Ilies et al. 2003, Schneider, Pryor et Fitzgerald 2011). Les environnements qui permettent de boire pendant les pauses et qui ont des normes permissives en matière de consommation d’alcool sont positivement associés à des niveaux plus élevés de harcèlement sexuel des femmes (Bacharach, Bamberger et McKinney 2007). Sur le plan culturel, il s’agit là encore de schémas plus courants sur les lieux de travail actuellement ou historiquement dominés par les hommes. RÉSULTATS ET CONCLUSIONS 1. Le harcèlement sexuel est une forme de discrimination qui consiste en trois types de comportement de harcèlement : (1) le harcèlement sexiste (comportements verbaux et non-verbaux qui traduisent un senti- ment d’hostilité, visent à objectifier, exclure ou rabaisser les membres d’un sexe), (2) les attentions sexuelles non-désirées (avances sexuelles ver- bales ou physiques non désirées, qui peuvent aller jusqu’à l’agression) et (3) la coercition sexuelle (lorsque des faveurs accordées sur le plan pro-

96 HARCÈLEMENT SEXUEL DES FEMMES fessionnel ou scolaire sont conditionnées par l’activité sexuelle). Les dis- tinctions entre les types de harcèlement sont importantes, notamment parce que de nombreuses personnes ne réalisent pas que le harcèlement sexiste est une forme de harcèlement sexuel. 2. Le comportement de harcèlement sexuel peut être soit direct (visant un individu en particulier), soit ambiant (il s’agit d’un niveau général de harcèlement sexuel dans un environnement donné) et est préjudiciable dans les deux cas. Il est considéré comme illégal lorsqu’il crée un envi- ronnement hostile (harcèlement sexuel ou attentions sexuelles non désirées suffisamment « graves ou envahissantes » pour modifier les conditions de travail, altérer les performances professionnelles ou entraver la capacité d’une personne à accéder à des études), ou lorsqu’il constitue une contre- partie (lorsque des faveurs accordées sur le plan professionnel ou scolaire sont conditionnées par l’activité sexuelle). 3. Il existe des méthodes scientifiques fiables pour déterminer la préva- lence du harcèlement sexuel. Pour mesurer l’incidence du harcèlement sexuel, les enquêtes doivent suivre les meilleures pratiques qui ont émer- gées de la science du harcèlement sexuel. Cela inclut l’utilisation de la base de données du questionnaire sur les expériences sexuelles, l’instru- ment le plus largement utilisé et le plus validé disponible pour mesurer le harcèlement sexuel, l’évaluation de comportements spécifiques sans que la personne interrogée n’ait à les qualifier de « harcèlement sexuel », l’accent mis sur l’expérience à chaud ou l’observation du comportement (plutôt que sur la rumeur ou les ouï-dire) et l’accent mis sur les événements récents (1 à 2 ans, pour éviter les problèmes de détérioration de la mémoire). Se baser sur le nombre de rapports officiels de harcèlements sexuel faits par une organisation n’est pas une méthode précise pour déterminer la prévalence. 4. Certaines enquêtes sous-estiment l’incidence du harcèlement sexuel parce qu’elles n’ont pas suivi les pratiques standard et valides pour la recherche sur les enquêtes et le harcèlement sexuel. 5. Si des enquêtes correctement menées sont les meilleures méthodes pour estimer la prévalence du harcèlement sexuel, d’autres aspects impor- tants du harcèlement sexuel et de ses conséquences peuvent être exa- minés en utilisant d’autres méthodes de recherche, telles que des expé- riences comportementales en laboratoire, des entretiens, des études de cas,

2. Recherche sur le harcèlement sexuel 97 des ethnographies et des recherches juridiques. Ces études peuvent fournir des informations sur la présence et la nature du comportement sexuel dans une organisation, sur la manière dont il se développe et se poursuit (et in- fluence le climat de l’organisation), et sur la façon dont il atténue ou ampli- fie les résultats du harcèlement sexuel ; 6. Le harcèlement sexuel reste un problème persistant sur le lieu de tra- vail en général. Sur les lieux de travail, cinq caractéristiques communes se dégagent : a. les femmes sont plus souvent victimes de harcèlement sexuel que les hommes ; b. le harcèlement sexiste (par exemple, les comportements qui véhi- culent l’idée que les femmes n’ont pas leur place ou ne méritent pas le respect) est, de loin, la forme de harcèlement sexuel la plus répandue. Lorsqu’un environnement est envahi par le harcèlement sexiste, les attentions sexuelles non désirées et la coercition sexuelle deviennent plus probables – en partie parce que les attentions sexuelles non-désirées et la coercition sexuelle ne sont presque jamais vécues par les femmes sans qu’elle ne soient simultanément victimes de harcèle- ment sexuel. c. les hommes sont plus susceptibles que les femmes de commettre des actes de harcèlement sexuel ; d. les collègues et les pairs commettent plus souvent du harcèlement sexuel que les supérieur·e·s ; e. les comportements de harcèlement sexuel ne sont généralement pas des incidents isolés ; il s’agit plutôt d’une série ou d’un schéma d’inci- dents et de comportements qui s’aggravent parfois ; 7. Les recherches qui n’incluent pas l’étude des femmes de couleur et des femmes appartenant à des minorités sexuelles et de genre présentent un tableau incomplet des expériences des femmes en matière de har- cèlement sexuel. Les recherches préliminaires sur les expériences des femmes de couleur et des femmes appartenant à des minorités sexuelles et de genre révèlent que leurs expériences de harcèlement sexuel peuvent être différentes de celles de la population plus large des femmes cisgenres, hétérosexuelles et blanches.

98 HARCÈLEMENT SEXUEL DES FEMMES a. les femmes de couleur subissent davantage de harcèlement (sexuel, racial/ ethnique, ou les deux) que les femmes blanches, les hommes blancs et les hommes de couleur. Les femmes de couleur sont souvent victimes de harcèlement sexuel, y compris de harcèlement racial ; b. les personnes appartenant à des minorités sexuelles et de genre su- bissent plus de harcèlement sexuel que les femmes hétérosexuelles ; 8. Les deux caractéristiques des environnements les plus associés à des taux plus élevés de harcèlement sexuel sont (a) les rapports hommes- femmes et le leadership à prédominance masculine, (b) et un climat organisationnel qui montre qu’il tolère le harcèlement sexuel (par exemple, des dirigeant·e·s qui ne prennent pas les plaintes au sérieux, ne sanctionnent pas les auteurs ou ne protègent pas les plaignant·e·s contre les représailles) ; 9. Le climat organisationnel est, de loin, le plus grand facteur de prédilec- tion pouvant empêcher les gens de harceler sexuellement d’autres per- sonnes. Une personne plus susceptible de se livrer à des comportements de harcèlement est nettement moins susceptible de le faire dans un environ- nement qui ne soutient pas les comportements de harcèlement et/ ou des conséquences fortes, claires, transparentes pour ces comportements.

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Over the last few decades, research, activity, and funding has been devoted to improving the recruitment, retention, and advancement of women in the fields of science, engineering, and medicine. In recent years the diversity of those participating in these fields, particularly the participation of women, has improved and there are significantly more women entering careers and studying science, engineering, and medicine than ever before. However, as women increasingly enter these fields they face biases and barriers and it is not surprising that sexual harassment is one of these barriers.

Over thirty years the incidence of sexual harassment in different industries has held steady, yet now more women are in the workforce and in academia, and in the fields of science, engineering, and medicine (as students and faculty) and so more women are experiencing sexual harassment as they work and learn. Over the last several years, revelations of the sexual harassment experienced by women in the workplace and in academic settings have raised urgent questions about the specific impact of this discriminatory behavior on women and the extent to which it is limiting their careers.

Sexual Harassment of Women explores the influence of sexual harassment in academia on the career advancement of women in the scientific, technical, and medical workforce. This report reviews the research on the extent to which women in the fields of science, engineering, and medicine are victimized by sexual harassment and examines the existing information on the extent to which sexual harassment in academia negatively impacts the recruitment, retention, and advancement of women pursuing scientific, engineering, technical, and medical careers. It also identifies and analyzes the policies, strategies and practices that have been the most successful in preventing and addressing sexual harassment in these settings.

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